1 Introduction
Les remplages, supports des vitraux dans les édifices religieux, sont un élément aussi caractéristique de l’architecture gothique que le sont les voûtes. L’évaluation de leur résistance et de leur stabilité a cependant fait couler beaucoup moins d’encre que celle des voûtes. Exposés aux tempêtes, les remplages ont été progressivement amincis au cours de l’histoire dans la quête d’une plus grande légèreté visuelle et d’une plus grande transparence à la lumière. Et ce jusqu’à atteindre la limite de leur résistance, ce dont témoigne certains effondrements ou reconstructions de remplages particulièrement ambitieux, comme celui de la grande baie sud du bras sud du transept de la cathédrale de Nantes (reconstruit vers 1641 quelques années après sa construction) ou les fenêtres hautes du transept de la cathédrale de Bayeux (remplages remplacés au début du
XIXe siècle par un treillage métallique, jusqu’à leur progressive restauration depuis 2019).
La stabilité des remplages dépend à la fois de la résistance des pierres qui composent le remplage et, dans une moindre mesure en général, des barres métalliques, appelées barlotières, qui portent les panneaux de vitrail.
Lors de la construction des remplages au Moyen Âge, ces derniers ne faisaient pas l’objet d’un dimensionnement par le calcul au sens où on l’entend aujourd’hui. Il existait probablement des règles de proportion, comme pour la conception des arcs et des voûtes
(Huerta Fernández, 2006), mais ces dernières ne sont pas connues pour les remplages
1. Un ensemble de vérifications (résistance à la compression, au flambement, à la pression du vent etc.) a été proposé par Ungewitter à la fin du
XIXe siècle dans son ouvrage sur les constructions gothiques
(Ungewitter et Mohrmann, 1903). Ungewitter prend soin, à plusieurs reprises, d’insister sur la bonne concordance de ses résultats avec l’expérience que nous livrent les édifices gothiques.
Nous présentons dans cet article un résumé de ces vérifications, complétés par nos observations. On retiendra, comme souvent pour les monuments anciens, le caractère anachronique de ces vérifications calculatoires. Néanmoins, elles permettent de poser un cadre explicite pour comparer les remplages entre-eux du point de vue de leur résistance et stabilité.
Rappelons en introduction quelques éléments de vocabulaire qui seront utilisés dans la suite. On note en italique les termes en anglais et allemand pour faciliter la lecture de
Ungewitter et Mohrmann (1903).
- remplage : ensemble des assises et claveaux en pierre de taille qui divisent l’ouverture en plusieurs compartiments (lancettes, roses, écoinçons etc.) – tracery, Masswerk
- meneau : « élément vertical d’un remplage » (Pérouse de Montclos, 2007, p.195 ) – mullion, Pfosten
- demi-meneau, meneau de rive : demi-meneau construit contre le jambage – half-mullion, wall mullion, Wandpfosten
- réseau : partie du remplage situé au-dessus des meneaux
- barlotières : barres métalliques horizontales, supports du vitrail – storm bars, Sturmstangen. Le vitrail est fixé sur les barlotières par le moyen d’un feuillard (cover bar, Deckschiene) fixé par des clavettes traversant des pannetons placés tous les 20 à 30cm (projecting clamps, Lappen, Krampen)
- vergettes : barres métalliques de faible section (6 à 10mm selon Ungewitter) qui permettent de renforcer les panneaux de vitrail contre les efforts horizontaux du vent
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