1 Géométrie des voûtes
La géométrie des voûtes renvoie à deux concepts complémentaires : premièrement à la forme de l’intrados et deuxièmement à l’appareil. La forme de la surface de l’intrados1 donne son nom aux voûtes. Par exemple une voûte dont l’intrados est hémisphérique est nommée coupole, une voûte dont l’intrados est une portion de cylindre est nommée berceau etc. L’appareil désigne la géométrie des pierres individuelles (claveaux ou voussoirs) qui composent les voûtes clavées, et donc en particulier la géométrie des faces (ou panneaux) de ces pierres : douelle d’intrados et d’extrados, panneaux de lit en coupe et panneaux de têtes. L’appareil est obtenu par les règles géométriques qui forment la coupe des pierres. Seule la trace des panneaux de douelle d’intrados, ou autrement dit la partie inférieure des joints entre les claveaux, est visible à l’observateur sur l’intrados. Cette trace forme un dessin qui n’est que partiellement révélateur de l’appareil puisqu’il n’est qu’une partie de ce dernier. Bien que la forme de l’intrados soit le plus souvent le paramètre le plus important pour l’étude mécanique, il ne faut pas pour autant négliger l’influence de la coupe des pierres sur la stabilité des voûtes (Fantin, 2017). Pour confronter ces deux aspects, forme de l’intrados et appareil, nous proposons pour plusieurs voûtes de confronter les orthophotographies (qui révèlent la trace de l’appareil sur l’intrados) et les lignes de niveaux (qui révèlent la forme de l’intrados). Par superposition, la comparaison des deux géométries est alors possible. Nous proposerons également des exemples pour des voûtes en maçonnerie avec peintures murales, où les peintures peuvent tromper l’observateur et suggérer une forme d’intrados différente de la forme réelle. La liste des exemples déjà disponibles est donnée ci-dessous. Cette liste sera complétée au fur et à mesure de nos recherches.- Nevers, église Saint-Pierre, coupole de la croisée du transept
- Avignon, noviciat des Jésuites Saint-Louis, voûte du vestibule
- Avignon, musée Calvet, voûte du vestibule
- Avignon, séminaire Saint-Charles, voûte du vestibule d’entrée
- Paris, église Saint-Sulpice, voûte du porche
- Paris, église Saint-Sulpice, travée centrale de la voûte de la tribune d’orgue
- Viviers, palais épiscopal, voûte en pendentif du vestibule
- Paris, église Saint-Sulpice, travée sud de la voûte de la tribune d’orgue
- Barbentane, château, voûte du grand salon
- Barbentane, château, voûte de l’aile orientale
- Barbentane, château, voûte de l’aile occidentale
- Carpentras, Hôtel-Dieu, voûte de la sacristie
- Carpentras, Hôtel-Dieu, voûte de la tribune de la chapelle
- Viviers, cathédrale Saint-Vincent, voûte de la nef
- Vaison-la-Romaine, église de la ville haute, voûte plate de la travée centrale de la tribune
- Vaison-la-Romaine, église de la ville haute, voûte plate de la travée nord de la tribune
- Arras, citadelle, salle dite « des familles » de la porte Royale (à venir)
- Harcourt, château, second palier intermédiaire de l’escalier d’honneur (à venir)
2 Vocabulaire des voûtes
Nous utilisons le vocabulaire traditionnel de l’architecture pour désigner les formes de l’intrados des voûtes, tel qu’il est présenté par Pérouse de Montclos (2007). Les principales formes de voûtes sont :- la voûte en berceau : voûte dont l’intrados est générée par la translation d’un arc générateur le long d’un axe (berceau droit) ou d’une courbe (berceau tournant) ;
- la voûte d’arêtes : voûte formée de quartiers séparés par des arêtes saillantes.
- la voûte d’ogives : voûte formée de quartiers séparés2 par des nervures.
- la voûte en arc-de-cloître : voûte formée de quatre quartiers séparés par des arêtes rentrantes.
- la coupole : voûte dont l’intrados est généré par la rotation d’un arc générateur autour d’un axe vertical. Sont également appelées coupoles les surfaces se rappochant de cette forme : coupole ovale (transformation par affinité d’une coupole sphérique), coupole polygonale (perdant la symétrie par rotation de la surface de révolution, et conservant la symétrie axiale). Par ailleurs, la coupole en pendentif et la voûte en pendentif sont des coupoles sur plan quadrangulaire, les pendentifs prolongeant la calotte (partie supérieure de la coupole) dans les angles de l’espace couvert. Pérouse de Montclos (2007) indique que la voûte en pendentif est une « coupole en pendentif très fortement surbaissée ».
3 Cas particulier des voûtes plates et des voûtes surbaissées
Une voûte plate est une voûte dont l’intrados, appelé dans ce cas particulier plafond, est horizontal (Fig. 3). Par ailleurs, une voûte dont seule la partie centrale est plate est appelée voûte déprimée (Pérouse de Montclos, 1982, p. 162). Par abus de langage, les voûtes surbaissées et en particulier les voûtes segmentaires sont fréquemment qualifiées de voûtes plates (Pérouse de Montclos, 1982, p. 162). Il ne s’agit pourtant pas des mêmes formes. Récapitulons. Le rapport entre la flèche $f$ et la portée $L_i$ d’une voûte en berceau est $f/L_i=1/2$. Si ce rapport, que nous nommerons simplement flèche dans la suite par simplicité, est inférieur à $1/2$, la voûte est dite surbaissée. Pour préciser l’ampleur du surbaissement, nous retenons la terminologie de Delbecq (1982, p. 38) qui distingue suivant le rapport $\sigma=f/L_i$ flèche sur portée (Fig. 4) :- les voûtes peu surbaissées, où $\frac{1}{2\sqrt{3}}\leq\sigma\leq\frac{1}{2}$ ;
- les voûtes assez surbaissées, où $\frac{1}{7} \leq\sigma\leq\frac{1}{2\sqrt{3}}\approx\frac{1}{3,5}$ ;
- les voûtes très surbaissées, où $ \sigma\leq\frac{1}{7}$.
4 Méthodes et conventions
Nous avons suivi la méthode suivante pour obtenir les orthophotos et lignes de niveaux présentées pour les différentes voûtes listées ci-dessus. Les noms des programmes composant le logiciel MicMac et utilisés à chaque étape sont indiqués avec une police spécifique.- prise de vues de la voûte depuis le sol
- relevé au distance-mètre d’une distance horizontale de référence au sol pour permettre la mise à l’échelle ultérieure du nuage de points
- orientation des photos (Tapioca, Tapas), puis mise à l’échelle du modèle en utilisant la distance connue au sol, et en choisissant comme plan horizontal de référence généralement le plan des naissances (GCPBascule + Campari)
- création d’un nuage de point en suivant le mode automatique de MicMac (C3DC QuickMac ou MicMac)
- création de l’orthophoto et de la carte de profondeur, cette dernière fournissant après traitement les lignes de niveaux (PIMs2Mnt DoOrtho=1, Tawny, to8Bits)
- superposition de l’orthophoto et des lignes de niveaux pour permettre comparaison des géométries
- les lignes de niveaux sont données dans un repère où le plan horizontal $XY$ correspond approximativement6 au plan des naissances de la voûte.
- l’orthophoto est inversée sur son axe horizontal de manière à pouvoir être ensuite superposée à un plan. En effet, une orthophoto correspond à une vue de dessous de la voûte, alors que les plans sont dessinés conventionnellement en vue de dessus. L’inversion de l’orthophoto pour produire une vue de dessus peut paraître déroutante au début, l’image étant inversée par rapport à ce que l’on observe depuis le sol. Cette convention, en permettant la superposition orthophoto sur plan, est utile pour repérer précisément en plan les fissures (même si ce ne sera pas l’objet de ces exemples).
- nous noterons $h$ la flèche d’une voûte, et $L_x$ $L_y$ la grande et petite portée respectivement
Article mis en ligne le : 25/08/2018.
Révisé le : 24/09/2019.
Sur l’auteur :
Mathias Fantin est ingénieur structure et docteur en architecture, et il travaille sur la restauration des monuments anciens. Il a fondé en 2014 Bestrema, un bureau d’études structures spécialisé dans ce domaine. Ces autres articles pourraient également vous intéresser :- Décintrement des voûtes - Le décintrement est une étape critique de la construction des voûtes. Il dépend du type de voûte construit (pont, édifice), des matériaux (pierres et mortiers) et aura une incidence sur le chargement, les tassements et les fissures.
- Résistance et stabilité des remplages - Vérification de la résistance et stabilité des remplages, supports en pierre des vitraux dans les édifices gothiques.
- La géométrie des voûtes - La géométrie des voûtes renvoie à deux concepts : la forme de l’intrados et l’appareil. Étude des correspondances et divergences entre les deux.
Bibliographie
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- DELBECQ, J.-M. 1982, Les ponts en maçonnerie – Constitution et stabilité, cahier de recherche, Ministère des transports – SETRA, Paris. URL "http://catalogue.setra.fr/document.xsp?id=Dtrf-0000487
qid=sdx_q0 n=5 q=". - –
FANTIN, M. 2017, Étude des rapports entre stéréotomie et résistance des voûtes clavées, thèse de doctorat, Université Paris-Est, Paris. URLhttps://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01834617 - –
PéROUSE DE MONTCLOS, J.-M. 1982, L’architecture à la française: du milieu du XVe à la fin du XVIIIe siècle, Picard, Paris.- –
PéROUSE DE MONTCLOS, J.-M. 2007, Architecture : méthode et vocabulaire, 6éd., Impr. nationale : Ed. du patrimoine, Paris.- –
RONDELET, J. 1804, Traité théorique et pratique de l’art de bâtir – Tome 2 Livres 3 et 4, chez l’auteur, Paris. URLhttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k86636q - –
RONDELET, J. 1828, Art de bâtir – Planches, chez l’auteur, Paris. URLhttp://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/rondelet1828planches - –
SMARS, P. et K. DE JONGE. 2009, Geometry and construction techniques of Gothic vaults in Brabant (Belgium), dans Proceedings of the Third International Congress on Construction History, Cottbus. URLhttp://www.bma.arch.unige.it/ENGL/engl_proceedings_construction_history.html.html Notes
1 La forme de la surface de l’extrados se déduit généralement de celle de l’intrados en vertu d’une épaisseur plus ou moins constante de la voûte. Il s’agit cependant d’une simplification, en raison de l’existence des tas de charges – partie basse de la voûte construite par encorbellement – et du fait que toutes les voûtes ne sont pas extradossées régulièrement. 2 La séparation des quartiers par les nervures peut être physique (les nervures interrompent les quartiers) ou seulement visuelle (les nervures masquent la continuité des quartiers). 3 Parmi les arcs brisés, les arcs brisés en tiers-point peuvent désigner soit les arcs brisés dont les centres des arcs de cercles sont situés sur les naissances, un triangle équilatéral s’inscrivant alors à l’intérieur de l’arc brisé ((Pérouse de Montclos, 2007) – Fig. 2 a), soit les arcs brisés dont les centres des arcs de cercles sont obtenus en divisant en trois la corde, segment reliant les naissances (Encyclopédie de Diderot article Arc – Fig. 2 c). 4 Ce qui n’est en réalité même pas le cas dans le cas des voûtes des déambulatoires d’églises ou plusieurs solutions existent pour le tracé des arêtes en plan. 5 Nous passons sous silence ici la problématique de la contre-flèche, ou bombement, qui fait qu’en pratique une voûte plate étaient construite selon les traités d’architecture toujours avec une légère courbure. 6 Le plan des naissances d’une voûte n’est pas nécessairement plan ni horizontal en raison des tassements et déformations qu’a pu subir l’édifice.