Planchers à fers méplats

1  Introduction

En 1845, les seuls planchers métalliques utilisés en France pour les logements sont les planchers à fermette. Chaque fermette nécessite l’assemblage de nombreuses pièces métalliques. Vaux fait breveter1 en juillet 1845 un système de plancher plus simple. Il remplace les fermettes par des fers méplats posés de champ2 (Fig. 1).
Ce système rencontre le succès face aux planchers à fermettes, en raison de sa simplicité. Opperman écrit en 1856 à propos des planchers à fers méplats c’est le plus simple et le plus ancien système employé [parmi les systèmes présentés par Opperman] (1856 [9]). Denfer écrit en 1894 : « Ce système, dû à M. Vaux constructeur, s’est beaucoup répandu à l’origine des planchers en fer. » (1894 [4,p.297]). Lemoine qualifie le système de Vaux de très simple et très populaire (1993[7]). Cependant, contrairement aux planchers à fermette dont des exemples très connus sont publiés dans la littérature (voir notre article précédent sur les fermettes à ce sujet), la littérature de l’époque ne donne pas d’exemples de bâtiment publics où ont été construits les planchers à fers méplats de Vaux.
Plancher à fers méplats vue 3D
Fig 1: Plancher à fers méplats, vue d’ensemble
d’après Janniard 1847 [5]
Plancher à fers méplats détails des entretoises et fantons
Fig 2: Plancher à fers méplats, détail des entretoises et fantons
d’après Janniard 1847 [5]
Nous décrivons dans cet article les caractéristiques techniques des planchers à fers méplats, tels que ces derniers sont décrits dans les années 1840 à 1860.

2  Description et Dimensions

Les solives mesurent environ 9mm d’épaisseur, et leur hauteur est proportionnelle à leur portée. Les règles établies par Vaux stipulent qu’elle doit valoir le 37e de la portée, soit 108mm de hauteur pour 4m de portée, 133mm pour 5m, 162mm pour 6m, et 190mm pour 7m.
L’entraxe entre solive est au maximum de 75cm. Les entretoises sont des barres carrées de fer, de 16 à 18mm de côté, coudées et contrecoudées pour s’assembler simplement par emboitement aux solives (Fig. 2). Elles ont donc une portée de 75cm. Deux cours de fantons d’environ de 8mm à 14mm de côté suivant leur portée sont disposés parallèlement aux solives sur les entretoises. L’entrevous, c’est-à-dire l’espace entre solive, est hourdé avec plâtre et plâtras, sur le treillage métallique formé par les entrevous et solives (Fig. 3 – sur cette figure Denfer représente en 1894 3 fantons, au lieu des 2 fantons habituellement décrits dans les articles des années 1840 et 1850).
Coupe d'un plancher à fers méplats avec augets d'après Denfer
Fig 3: Coupe d’un plancher à fers méplats
d’après Denfer 1894 [4] – scanné par Google
Au niveau des appuis sur la maçonnerie, les extrémités des solives sont refendues en queue de carpe pour permettre à la solive de jouer le rôle de tirant. Entre deux travées contigües, les extrémités des solives sont généralement boulonnées deux à deux pour former chainage. Les extrémités des entretoises et des fantons sont également terminés en queue de carpe ou en crochet pour s’ancrer dans les murs.
Un des avantages mis en avant par Janniard est la faible épaisseur du plancher par rapport aux systèmes à fermettes de la même époque. Le système Vaux permettrait ainsi de gagner 10 à 15 cm de hauteur par plancher.

3  Cintrage des solives

Les solives étaient cintrées de manière à obtenir une contre-flèche de 1/100e de la portée. Le cintrage était obtenu par martelage à froid. Janniard indique que pour un plancher de 5m, qui avait donc une contreflèche de 50mm, la contreflèche après mise en place du hourdis n’était plus que de 45mm (1847 [5]).

4  Capacité portante

Morin rapporte différents tests de charges réalisés sur les planchers (1853 [8,p.333]). Des planchers de 5m et 7m de portée ont résisté sans se rompre à des chargements de 500kg/m2.
Morin donne également le moyen de dimensionner les éléments métalliques aussi bien les solives que le treillage métallique. Il vérifie la résistance en flexion de chacun des éléments constitutifs du plancher (solives, entretoises, fantons). Il montre que la capacité portante du plancher est d’environ 70kg/m2. Ce résultat est bien inférieur aux résultats des tests de charges.
Quoiqu’il en soit, il est probable cependant que ces planchers n’étaient pas dimensionnés par le calcul pour chaque projet, mais plutôt que des dimensions forfaitaires préconisés par Vaux suivant la portée étaient respectées.

5  Poitrails

Le système de Vaux ne sert pas uniquement à réaliser des planchers. Il est également adapté pour les linteaux et les poitrails (Fig. 4). Dans ce cas, deux fers méplats de 3cm d’épaisseur et 16cm de hauteur sont reliés par des ceinturesextérieures et des cadres intérieurs (Janniar 1847d [5]).
Poitrail en fers méplats d'après Janniard
Fig 4: Poitrail adapté du système Vaux
d’après Janniard 1847 [5]

6  Système Schwichardi

Plusieurs auteurs mentionnent un autre système de plancher similaire à celui avec fer méplats : le système de Schwichardi. Ce dernier aurait mis au point avant Vaux, mais à une date qui reste inconnue, des solives utilisant des lames de tôles assemblées bout-à-bout par rivetage (Janniard 1847 [5], Chapron 1860 [2]).

7  Conclusion

Les planchers à fers méplats de Vaux nécessitent des quantités de métal plus importantes que celles des fermettes en raison de sa faible hauteur, mais beaucoup moins de main-d’œuvre pour sa mise en place (Chapron 1860 [2]). Les commentaires des articles décrivant ce nouveau système (voir citation ci-dessus) pourraient indiquer qu’il se soit imposé facilement face aux planchers à fermettes. Cependant, malgré leur simplicité, les planchers métalliques de Vaux restaient plus coûteux qu’un plancher avec solives bois.
Les planchers à solives en double T, dont les premiers exemples parisiens datent de 1849, deviendront très rapidement aussi compétitifs que les planchers Vaux, en raison de la forme plus adaptées à la résistance en flexion des solives. Opperman indique des coûts comparables pour les deux systèmes dès 1856 ([9]). Les planchers Vaux disparaitront par la suite complètement au profit des planchers à solives en double T.
 
Article mis en ligne le : 23/02/2015.
Révisé le : 23/02/2015.

Bibliographie

[1]
: Poser une brique sur le cant,ou la poser de champ ou de chant ?. Québec français, (148), 2008.
[2]
: Etudes sur les planchers en fer, comprenant l’examen de 24 systèmes différents. Nouvelles annales de la construction, sept. 1860.
[3]
: Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale. Madame Veuve Bouchard-Huzard, 1846.
[4]
: Charpenterie métallique – Menuiserie en fer & Serrurerie, vol. 1 de Encyclopédie des travaux publics. Gauthier-Villars, Paris, 1894.
[5]
: Des planchers métalliques. Revue générale de l’architecture et des travaux publics, 1847.
[6]
: Dictionnaire des arts et manufactures de l’agriculture des mines etc. – Description des procédés de l’industrie française et étrangère. Encyclopédie technologique. Librairie de L. Comon, 2e édn, 1853.
[7]
: L’architecture du fer. Champ Vallon, 1993.
[8]
: Leçons de mécanique pratique – résistance des matériaux. Librairie de L. Hachette et Cie, 1853.
[9]
: Note sur divers systèmes de planchers en fer économiques. Nouvelles annales de la construction, p. 27-28, mars 1856.
[10]
: Architecture : méthode et vocabulaire. Impr. nationale : Ed. du patrimoine, Paris, 6e édn, 2007.

Notes

1 Brevet d’invention et de perfectionnement délivré en France pour une durée de 15 ans, le 10 juillet 1845 – M. Vaux : disposition de planchers métalliques. Voir le Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale 1846 [3].
2 L’expression « posé de (ou sur) chant » qualifie un objet posé sur sa face la plus étroite. On trouve l’orthographe « champ » dans les dictionnaires et livres antérieurs au XXe. De nos jours, l’orthographe « chant » est retenue dans les dictionnaires. Certains auteurs conservent cependant l’ancienne orthographe (voir par exemple Pérouse de Montclos [10]). Pour plus d’informations, voir Blais 2008 [1].